Je suis au bord de la piste, au départ, Marc et les membres de mon équipe me regardent sans rien dire, le silence est pesant, je dois le stopper ! Je demande donc à Marc de dire à Philippe qui est à la cabane de chrono de me faire confiance me donnant le feu vert, je l’obtient mais si le record ne tombe pas je ne remonterai pas…
Ce détail devient donc mon point principal de réussite. Mentalement je déclenche mon processus de respiration qui me permet de faire le vide, de ne penser qu’à ma gestuelle, à ma trajectoire délicate par ce manque de neige. Marc me dit de me préparer à monter sur le vélo et d’attendre la bonne fenêtre météo qui est un instant sans rafales…
Les regards se figent, je le sens, je le vois, me voilà encore une fois seul face à mon destin.
Je pense à cette neige glacée, bleue, je me concentre de nouveau sur ma respiration et ma trajectoire, j’ai évacué de ma tête les rafales de vent, je regarde l’horizon, j’ai très froid…
7h40 Marc parle au talkie en annonçant : Eric est prêt ! Marc me demande de monter sur mon vélo, les membres de mon équipe en charge des postes délicats de la tenue de mon vélo sont tous très concentrées, j’enjambe mon vélo, le silence règne.
7h42 Marc parle au talkie en annonçant : Eric est en place, êtes-vous prêts au chrono ?
Un oui retentie.
Marc me regarde, je cligne des yeux pour dire ok, je suis prêt à partir, Marc dit : Attention 3, 2, 1 GO !
C’est partie, la première partie du run jusqu’au rocher est compliquée car je dois faire un putain de léger virage pour éviter un trou de terre sur ma trajectoire, il y a peu de neige, la seconde partie superbement bien préparée avec l’apport de la technologie de damage au GPS me permet de m’ancrer dans une position totalement aérodynamique, je contracte tous mes muscles et renforce cela par un blocage de ma respiration jusqu’aux cellules. Je passe les cellules, je freine délicatement me laissant aller jusqu’à la télécabine. Là un pisteur arrive en moto neige et nous attendons ensemble le verdict ; 223,30Km/. Seulement 1 tout petit Km/h de plus, mais quel soulagement, record battu !…
Tout ce travail, 3 années d’approche pour seulement 1km/h. Il faut quelquefois savoir rester sage même si intérieurement une grande frustration s’installe. Pas d’entraînement du sommet en 2015, juste un run et le bon, c’est déjà une belle réussite.
Cette frustration fait naître instantanément dans mon esprit une vision à 2 ans ; partir en 2016 de nuit du sommet un soir de pleine lune et en 2017 une ultime tentative de record du monde. J’ai annoncé ceci à toute mon équipe quelques heures après ce record, 223,30Km/h.